Publié le 5 novembre 2014, dans Actualités, Caraïbes, Course et glisse, La Route du Rhum 10 eme édition
Loïck Peyron sur son ultime Banque Populaire en tête de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe
In extremis : c‘est le mot du jour répété à l’envie par Loïck Peyron, à bord du Maxi trimaran Solo Banque Populaire VII qui caracole en tête de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Le passage dans le petit trou de souris observé depuis plusieurs jours par Marcel van Triest et Armel Le Cléac’h en bordure de l’anticyclone des Açores avait tout du pari impossible à réaliser. Il fallait aller vite et au bon endroit malgré les conditions de mer et de vent épouvantables au large du Portugal, pour espérer franchir le passage à niveau avant que les barrières ne se referment. Loïck l’a fait. Alors que « ses petits camarades de bureau », comme les appelle avec affection Loïck Peyron, viennent buter dans une zone de vent faible, d’où ils tentent à grands coups d’empannages de s’extraire, le Maxi Solo Banque Populaire VII allonge la foulée sur une autoroute dégagée aux parfums d’alizés. A moins de 2 300 milles du but, et après seulement 3 jours d’une cavalcade échevelée, le skipper baulois sait qu’il a aujourd’hui l’occasion unique de porter un coup sinon décisif, du moins marquant à la concurrence.
« 33, 34, 35 noeuds… il faut faire attention quand même ! » Tout à son analyse du jour, Loïck Peyron garde un œil vigilant sur son extraordinaire machine de course lancée à toute allure dans l’alizé. Le skipper du trimaran géant aux couleurs de La Banque de la Voile, en régatier avisé rompu aux plus grandes joutes nautiques planétaires, enfonce le clou d’une situation parfaitement maîtrisée, au prix pourtant d’un effort considérable. « On est en train de faire le break », souligne t’il péremptoirement. « Mes collègues de bureau sont coincés dans une ondulation de l’anticyclone où on est passé in extremis. Les premières 48 heures ont été éprouvantes, pour le bonhomme et pour le bateau. J’ai essayé de faire ma première sieste hier matin, mais il m’est difficile de dormir quand le bateau tape à 30 nœuds. Je dors depuis par petites tranches de 10 minutes. » La confiance indispensable en la machine est là. Loïck Peyron s’enhardit et masque mal son plaisir : « Ce bateau est génial, exceptionnel. » Et que dire des hommes ! Le triumvirat « Peyron – van Triest – Le Cléac’h » parle à l’évidence le même langage quand il faut conjuguer expérience, gestion humaine et stratégie. « On a bien visé le bas de cette barrière anticyclonique avec Marcel et Armel cette nuit. On voyait ces petits phénomènes et on a plongé sud juste à temps pour se glisser en dessous et toucher l’alizé. C’est passé in extremis. Il peut encore arriver de nombreux imprévus, car tout peut se passer sur l’eau. Côté bonne nouvelle, la météo semble bien organisée, sans mauvaise surprise. Côté mauvaise nouvelle et sur un plan plus personnel, je vais avoir l’obligation d’enchaîner les empannages, soit de bonnes séances de « muscu » à venir, sur une belle salle de sport avec vue sur mer. On commence dès ce soir, avec hissage du grand gennaker. J’ai fait des « checks » dans tous les coins. Je m’organise comme un jeune célibataire dans son petit studio. »
Entre les traits d’humour pointe aussi Peyron le compétiteur : « C’est la bagarre, et je n’ai pas lâché. Il fallait attaquer au bon moment et j’ai barré énormément, surtout de nuit, de longues heures à la barre très fatigantes. Je me suis d’ailleurs endormi, suis tombé et ai provoqué une belle embardée du bateau qui est monté très haut sur l’eau. On est dans l’alizé, en bordure anticyclonique et il fait bien meilleur. J’ouvre les hublots pour aérer, et je tiens mes fruits au frais. J’attaque plus que jamais ; c’est le moment idéal pour le faire, « breaker » pendant que mes adversaires sont ralentis… 10% d’avance par rapport à la route à parcourir ce soir serait parfait. »