« Je suis « in stressable » » soutenait ce matin Thomas Coville, tout en avouant que demain dimanche, dix minutes avant le coup d’envoi de La Route du Rhum-Destination Guadeloupe à 14 heures, il aura le palpitant qui monte.

« En voile, contrairement à beaucoup d’autres sports, il restera toujours des incertitudes. »
Il sait que le bateau encaisse fort mais la question est : « Et moi, jusqu’où j’encaisse ? »
A la différence d’il y a quatre ans, les conditions météo semblent fermer les grandes options au bénéfice d’une tactique plus rapprochée à laquelle s’ajoute une course de vitesse. A part Francis Joyon qui était déjà au départ sur ce bateau en 2010, les sept autres skippers en Ultime sont des bizuths de la régate en solitaire sur leur monture.

Comment appréhendes-tu ce départ ? :
« Nous sommes très organisés avec l’équipe et tout l’amont a été géré avec sérénité et expérience. Par contre, dans les 10 minutes avant le départ, là tu as le palpitant qui peut monter. Une fois seul à bord, selon l’heure du passage du front, il va falloir avoir un schéma assez clair pour s’extraire vite de la meute. Au mieux une ligne directe pour aller à Fréhel et, sinon, deux ou quatre virements avec une très grande zone interdite à éviter sous peine de disqualification. Après, ce sera la Manche au près rapide. Le vent va forcir avec un second front dans la nuit. Nous n’avons pas pris souvent 30 nœuds de vent au près, sur ces bateaux-là, en solo dans 3 à 4 mètres de houle. »

Un virage stratégique en sortie de Manche ?
« Il ne faut pas rater le virement de bord, en placement comme en réalisation. Ensuite, ça part au près, pas ultra débridé, et dans de la mer formée. Un flux d’air froid en altitude pris entre deux régimes de haute pression va générer un système très instable et ‘rafaleux’. La température va descendre de 10 degrés d’un seul coup. On peut avoir des rafales jusqu’à 40 nœuds et, là, c’est quid du troisième ris ou pas. On a des gros bateaux qui encaissent mais encore faut-il pouvoir choquer en ayant assez de marge. »

Quand penses-tu pouvoir dormir ?
« Je n’en ai aucune idée. Dans deux jours et demi à Madère ? Il y a un front secondaire sur le Cap Finistère qui pourrait ou pas influencer la situation voir devenir explosif mais c’est encore très incertain. Ensuite, le vent mollit graduellement. Avec la fatigue, il faudra quand même assurer l’enchaînement et relancer de la voilure petit à petit. C’est beaucoup d’efforts. »

Cette année, la situation météo devrait offrir de la régate à haute vitesse ?
« En 2010, Franck (Cammas, le vainqueur) se lance tout seul à fond dans un bord de reaching. Il se glisse au Sud alors que ça se referme derrière et ça a ensuite déroulé pour lui. Alors que là, on va régater ensemble dans le même système météo avec une flotte qui, en quatre ans, s’est élargie et boostée en taille comme en puissance. Nous allons découvrir la régate en solitaire sur ces bateaux. »

Comment te compares-tu aujourd’hui au Thomas ‘vrai bizuth’ de La Route du Rhum et vainqueur en 1998 ?
« Je me sens très chanceux. A cette époque, j’étais sur un super bateau, au début de l’éclosion des Imoca (bateaux du Vendée Globe). J’ai couru la Mini Transat au moment où les architectes s’éclataient, gagné le Jules Verne quand ça démarrait puis, une seconde fois plus récemment sur un trimaran que j’affronte aujourd’hui en solitaire. J’ai navigué avec Laurent Bourgnon au moment où l’effervescence des trimarans Orma commençait et j’ai continué jusqu’à l’âge d’or de cette classe au début des années 2000. Avec Sodebo, on a pris en 2005 le virage des records en solo à un moment passionnant. Et puis là, en Classe Utime, c’est pareil, ça explose totalement. J’ai la chance incroyable de surfer dans le bon tempo. Je suis dans le tube depuis 20 ans ! »

Sodebo Ultim’ passera ensuite la nuit au mouillage sur une tonne devant Dinard avant le top départ demain à 14 heures.

Thomas Coville profitera d’une dernière nuit à terre. Il embarquera demain matin vers 9h30.