Publié le 13 décembre 2015, dans Actualités, Course et glisse
Transat Saint-Barth / Port-la-Forêt : bizuths sans complexe face aux plus expérimentés
Après un peu moins d’une semaine de course, la hiérarchie semble être respectée sur la Transat Saint-Barth / Port-la-Forêt. En tête, Sébastien Josse, à la barre d’un des derniers-nés des IMOCA60, fait parler son expérience du large : maîtrise du rythme, trajectoires au cordeau. Les routages le laissaient entendre : il faudrait être devant à l’heure d’accrocher les premiers vents soutenus de secteur ouest. Le skipper d’Edmond de Rothschild n’a pas manqué le rendez-vous. Mais ses poursuivants s’accrochent : si l’occasion se présente de faire vaciller le trône du leader, ils ne s’en priveront pas.
Sébastien Josse, Paul Meilhat, Morgan Lagravière : en une journée, le trio a fait le trou en réussissant à monter suffisamment nord pour accrocher les vents de nord-ouest puissants à l’arrière d’un front froid généré par la première dépression atlantique sur leur route. Et comme bien souvent en course au large, les premiers servis ont été les plus gâtés. Sébastien Josse, en impeccable leader, a pu creuser l’écart sur son dauphin Paul Meilhat (SMA) qui, lui-même, commençait à distancer Morgan Lagravière (Safran). Seul, un brusque ralentissement associé à un changement de trajectoire hier matin, ralentissait la progression de Paul. Mais ce trio a déjà pris la poudre d’escampette et sera difficile à rejoindre. Payer la fracture Derrière, Thomas Ruyant (Le Souffle du Nord) et Fabrice Amedeo (Newrest – Matmut) ont été confrontés à un véritable dilemme. Soit, ils continuaient sur cette même route nord que les trois leaders et ils savaient que l’élastique ne ferait que se tendre en faveur de la tête de flotte.
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Soit, ils essayaient de couper le fromage en allant raser le bord d’une cellule anticyclonique positionnée dans leur est. Les deux garçons sont des compétiteurs et logiquement, cette deuxième solution s’est imposée : plutôt que de se résigner à subir, ils ont tenté leur chance. Jusqu’ici sans véritable retour sur investissement. Mais cela témoigne du tempérament de ces jeunes marins qui débarquent sur le circuit IMOCA Ocean Masters : ils sont là pour régater, tirer le meilleur de leur machine et n’entendent pas jouer les seconds couteaux. | |||
L’envie de progresser jusqu’au plus haut niveau C’est le deuxième enseignement de cette première semaine de course et pas le moindre. Les nouveaux venus n’ont aucun complexe vis-à-vis des ténors du Championnat du Monde IMOCA Ocean Masters. Paul Meilhat, pour sa première course en solitaire, démontre que les milles parcourus aux côtés de Michel Desjoyeaux depuis le début de l’année lui permettent de tenir son rang. Morgan Lagravière, à bord d’Adopteunskipper.net, (l’excellent bateau de Nicolas Boidevézi), qu’il a dû prendre en main en dernière minute, démontre une grande aisance, quand Thomas Ruyant fait preuve de la même combativité qu’il avait affichée lors de la Transat Jacques Vabre. Fabrice Amedeo n’a pas le même vécu de course au large que ses adversaires mais témoigne aussi de son plaisir d’être à la barre de ces machines fabuleuses et complexes. Quoi qu’il en soit, tous font preuve d’une fraîcheur bienvenue : enthousiastes, ils sont encore au stade des découvertes : s’appliquer à suivre des rythmes justes, savoir placer le curseur au bon endroit qu’il s’agisse de manœuvrer, de barrer pour grappiller des milles… C’est ici que l’expérience fait valoir ses droits. Eric Holden (O Canada) aurait, quant à lui, bien voulu se mêler à la bagarre. Mais, piégé par l’anticyclone, il accuse maintenant un déficit conséquent de plus de 400 milles sur la tête de flotte et de 150 milles sur son premier concurrent direct. Le skipper canadien ronge son frein en attendant des jours meilleurs. Ce n’est pas ce genre de contrariétés qui risque d’affecter Enda O’Coineen (Currency House Killcullen). Venu avant tout pour reconquérir un des rares espaces de liberté disponibles sur cette planète, le navigateur irlandais savoure les couchers de soleil, le plaisir de naviguer en solitaire, d’être maître de ses choix, de se confronter aux éléments. Il nous rappelle ainsi que, compétiteurs dans l’âme ou pas, les solitaires de la Transat Saint-Barth / Port-la-Forêt font partie des authentiques aventuriers. Une fin de course musclée Pour l’heure, tous surveillent du coin de l’œil la prochaine dépression à venir sur l’Atlantique. Annoncée pile sur la route des concurrents, elle devrait générer des vents de 40 à 45 nœuds qui pourraient accompagner la flotte jusqu’à l’arrivée à Port-la-Forêt. Tous essayent de se positionner pour se caler au sud du centre de la dépression et bénéficier d’un régime de vents de sud-ouest.
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Le centre dépressionnaire est actuellement très sud et se déplace vers le nord-est. Pour le peloton, il n’y a pas d’autre choix que de plonger dans le sud ou sud-est pour éviter de se trouver dans le nord de la dépression et être confronté à des vents très forts au près. Seuls les deux premiers peuvent espérer qu’en continuant sur leur route, la dépression sera suffisamment remontée en latitude pour se retrouver du bon côté. Quoi qu’il en soit, d’ici deux jours, ce sera le baptême du feu pour tous les bizuths qui vont découvrir la gestion du gros temps en solitaire. | |||
Ils ont dit :
Paul Meilhat (SMA) : « On est en train de se faire rattraper par la pétole. D’ici deux jours, on devrait avoir 40 nœuds, avec, je l’espère, une mer encore maniable. La fin risque d’être un peu sportive. Sur ces bateaux, dès que le vent monte, il faut tout anticiper : les changements de voile, bien sûr, mais aussi les conditions de vie à bord. Seul avantage : on sera trempé, mais on ne risque pas d’avoir très froid… »
Morgan Lagravière (Safran) : « Ce n’est vraiment pas l’idéal. Je me suis fait décrocher par les deux gars de devant et la pétole m’a rattrapé. Du coup, je suis obligé de plonger au sud pour négocier le prochain centre dépressionnaire et je sens que je vais perdre toute l’avance que j’avais sur Thomas (Ruyant). De toute façon, on va prendre le mauvais temps et devoir serrer les fesses. C’est une bonne expérience dans la perspective du Vendée Globe, mais j’aurais préféré qu’on y vienne plus progressivement. » Source : Isabelle Delaune Comment suivre la Transat Saint-Barth / Port-la-Forêt : Retrouvez les contenus sur www.imocaoceanmasters.com / www.imoca.org
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