Commandant Dudouit (Marion Dufresne II) :
« Nous avons récupéré Kito de Pavant avec notre semi-rigide ce matin malgré une météo qui était encore assez agitée avec force 6-7 et de gros creux. Nous avons pu mettre notre pneumatique à l’eau et nous l’avons récupéré sur son bateau. Nous étions en mission de ravitaillement des îles australes, une mission habituelle au mois de décembre : nous sommes partis de La Réunion le 2 décembre. Le MRCC a essayé de me contacter mais cela n’a pas fonctionné et c’est donc par l’intermédiaire du service de sécurité à Marseille que nous avons été mis en contact vers 10h00 TU mardi. Nous étions alors à environ 110 milles de la position du bateau, dans son Nord. Nous avons pu accélérer à la vitesse maximum malgré les conditions météo et nous avons mis moins de temps que prévu pour entrer en contact avec le skipper. Nous sommes arrivés sur zone vers 16h30 TU et la nuit tombait.
Nous étions en contact visuel et par radio VHF avec Kito de Pavant mais avec la nuit tombante et du gros temps, il était impossible d’intervenir tout de suite sachant que le skipper maîtrisait encore la situation à bord de son bateau. D’un commun accord, nous avons décidé d’attendre le lever du jour pour mettre notre semi-rigide à l’eau et venir le chercher. Il nous a décrit sa situation : il avait une voie d’eau maitrisée et nous étions d’accord que si son bateau chavirait suite à la perte de sa quille, nous allions le chercher dans son radeau de survie. Nous avions des contacts réguliers avec lui, ce qui lui a permis de dormir un peu. Ce matin, la situation a commencé à s’aggraver car le niveau de l’eau est monté. Kito de Pavant a donc été récupéré directement par notre semi-rigide et embarqué à bord du Marion Dufresne II : il est fatigué et surtout très déçu d’avoir dû quitter la course et son navire… Un médecin l’a pris en charge. »Kito de Pavant (Bastide-Otio) :
« J’ai eu de la chance dans mon malheur ! Le Marion Dufresne était sur zone et il n’y est que quatre fois par an… Les conditions étaient mauvaises et en fin de nuit, je n’arrivais plus à étaler la voie d’eau. Les planchers flottaient : ça a été dur de quitter mon bateau et de l’abandonner au milieu de nulle part, ça me fait mal au cœur de perdre le bateau. Mais c’était la seule solution parce que je n’avais quasiment plus d’énergie pour les pompes et je ne pouvais pas recharger les batteries puisque le moteur était sous l’eau… Une bonne partie de la coque est très endommagée puisque le fond de coque est parti avec le palier arrière de la quille. Et le vérin de quille a déchiré la coque sur plus d’un mètre : c’était sinistre de voir le bateau dans cet état-là. Ça devenait trop dangereux pour moi…
Je suis donc sur le Marion Dufresne II qui est en route vers les îles Crozet, puis les Kerguelen, Amsterdam : je suis pour trois semaines sur le navire de ravitaillement des TAAF. Ce sont des régions que je ne connais pas et je vais donc faire le tour de ces îles désolées.
Le choc a été très net, très fort : je marchais entre 15 et 20 nœuds avec 25-30 nœuds et une mer formée. J’étais prudent, pas trop rapide, très abattu pour être en phase avec le vent. J’ai tapé quelque chose, je ne sais pas quoi, mais j’ai entendu un gros bruit sec et j’ai tout de suite pensé à quelque chose de dur. Mais en regardant à l’arrière du bateau, je n’ai rien vu ressortir. Peut-être que ce que j’ai entendu était le crash sur le bateau… Le choc a cassé la partie arrière de la quille et de la coque à ce niveau-là et le palier arrière est parti. Quand je suis allé voir, la quille était encore accrochée, mais après avoir enroulé la trinquette (J-3) pour ralentir le bateau, la quille est descendue d’une dizaine de centimètres. Cela n’a fait que s’aggraver : je ne pouvais pas intervenir. J’ai viré de bord pour changer de cap afin de remonter vers le Nord, mais rapidement, j’ai compris que le bateau ne pouvait plus avancer. J’ai affalé la grand-voile et j’ai appelé la Direction de Course…
Le Marion Dufresne était heureusement à 110 milles dans mon Nord car l’autre alternative, c’était Louis Burton qui était à deux jours de ma position ! Il serait arrivé demain matin… C’est terrible de laisser le bateau sur place parce que je perds beaucoup et les conséquences seront lourdes : c’est la première fois que je perds un bateau… Moralement, je suis assez marqué, physiquement, je n’ai rien. »Jacques Caraës (Directeur de Course du Vendée Globe) :
« Kito, je comprends ton amertume. Nous étions vraiment très soulagés de constater ta maîtrise de la situation quand nous t’avons eu au téléphone. Cela a été un moment important de savoir que tu n’étais pas dans le stress avec une avarie aussi lourde dans cette zone désolée. Nous avons été beaucoup plus sereins grâce à toi. Merci ! On pense très fort à toi. »
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